Le vécu des enfants du don

Mar 26, 2013 | Actualités CECOS

Leur histoire : comment les enfants issus d’un don de gamètes entendent-ils leur histoire?

Présentation de l’association

L’association des enfants du don (ADEDD), crée en 2008, était à l’origine destinée aux seules personnes issues d’un don de gamètes ou d’embryons. Par la suite, l’ADEDD s’est ouverte à toutes les personnes directement concernées par les techniques de l’assistance médicale à la procréation (AMP) avec ou sans tiers donneur.

L’ADEDD a trois grandes missions : accompagner, informer et sensibiliser. L’accompagnement se fait principalement dans le cadre de groupes de parole organisés dans différentes villes de France (Lyon, Rennes, Paris, Marseille et Caen). L’information passe par des emails et une newsletter à destination des adhérents (articles scientifiques, agendas d’évènements et manifestations, etc.) ainsi que par un site internet (www.adedd.fr) hébergeant un forum de discussion avec différents thème. Enfin, la sensibilisation du public, des professionnels de santé et des pouvoirs publics se fait par la participation de l’association à diverses manifestations et instances (conseil d’administration des CECOS et conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine) ainsi que par des communications sous la forme d’articles, de témoignages ou de petites enquêtes.

  1. L’association et l’histoire des enfants issus de don.

L’association est sollicitée par les personnes issues d’un don le plus souvent à la suite de la révélation du mode de conception : quelques jours à quelques semaines après. La demande concerne alors les moyens à mettre en œuvre pour leur permettre de gérer au mieux cette annonce (surtout lorsque cette dernière est particulièrement tardive). L’enjeu est de savoir ce que cette révélation implique pour eux et dans leurs rapports avec leur entourage familial et amical. Les inquiétudes concernent les conséquences de l’annonce : sentiment d’identité ébranlé, sentiment de « trahison » vis-à-vis des parents de l’un d’eux (annonces tardives), accessibilité des données médicales du donneur, risque de consanguinité, etc.. Dans le meilleur des cas, ils se rendent rapidement compte que cette révélation ne change pas grand-chose pour eux (vie personnelle et professionnelle). Dans d’autres cas, quand le mode de conception est englobé dans un contexte familial compliqué (annonce unilatérale et non concertée, parents séparés ou décédés, parent fermé à la discussion sur ce sujet, etc.) il s’agira d’apprendre à faire la part des choses entre les difficultés relevant de l’annonce et celles qui n’en relèvent pas directement afin de trouver des solutions (groupe de parole, échange avec d’autres personnes issues d’un don, renvoi vers un professionnel de santé partenaire, littérature sur le sujet, etc.).

Globalement, nous observons au sein de l’association, qu’il est encore difficile aujourd’hui pour les personnes issues de don de discuter de ce sujet de manière sereine avec leurs parents pour plusieurs raisons. La plus courante concerne la crainte de raviver une blessure chez les parents. Un souci de préservation du parent infertile se manifeste alors au détriment de l’enfant qui vient chercher auprès de l’association des clés pour ouvrir le dialogue sur ce sujet ou alors, pour trouver un moyen de ne pas ré-impliquer leurs parents et de régler par eux-mêmes les questions qu’ils peuvent se poser. Par un travail constant de sensibilisation des parents, l’ADEDD espère éviter au maximum ce genre de situations pour les générations futures.

Le spectre du ressenti chez les personnes issues d’un don informées de leur mode de conception est large. Une ébauche de « profilage » au sein de l’association a mis en évidence trois grandes catégories : les enfants qui s’en moquent ou dont on le suppose : la majorité ? Ceux qui se posent des questions « raisonnablement » : une minorité ? Ceux qui se posent beaucoup de questions : une minorité minoritaire ?

Concernant les premiers, difficile d’entrer en contact eux… puisqu’ils s’en moquent ! Ils n’adhèrent pas à l’ADEDD et nous en connaissons uniquement par l’intermédiaire des frères et sœurs conçus grâce à un don qui adhèrent à l’association. Pour savoir ce qu’ils pensent de leur histoire, on est obligé d’aller à leur rencontre mais ils n’ont « rien à dire » le plus souvent.

En ce qui concerne les seconds, il s’agit, le plus souvent, de personnes informées tôt de leur mode de conception et dans un climat familial serein. Ils sont curieux, intrigués par la technique ayant permis leur conception (FIV-D ?, IA-D ?, CECOS ?, etc.). Ils sont contents de pouvoir échanger avec une ou plusieurs autres personnes issues d’un don. Ils souhaitent s’investir de manière durable dans l’association pour parler de leur expérience et se mettre à l’écoute des autres.

Enfin, les derniers sont minoritaires dans l’association. L’ADEDD n’a généralement pas de contact direct (par l’intermédiaire d’un parent par exemple) ou un premier contact très difficile (beaucoup d’émotions). Le contexte familial est souvent compliqué : parents séparés, un des parents a « vendu » le secret sur le mode de conception, parents incapables et/ou refusant d’aborder le mode de conception, etc. Il n’y a pas de revendication particulière concernant l’anonymat du donneur (éventuellement des données non-identifiantes) mais de nombreuses questions concernant la démarche des parents et le pourquoi du secret. Un passage souvent « éclair » au sein de l’association (de quelques jours à quelques mois) est constaté. Il n’y a de leur part aucune volonté d’implication associative et une demande parfois claire de couper les ponts avec l’association et ses membres pour ne plus revenir sur une histoire décrite comme douloureuse.

  1. L’association et les annonces du mode de conception

Pour les parents, informer l’enfant de son mode de conception ne relève pas de l’évidence comme pour certains professionnels de santé encore partisans du secret. Une fois l’enfant né, il ne s’agira pas de faire comme si rien ne s’était passé si l’on veut tirer les enseignements du passé. Le secret du mode de conception, trop longtemps gardé, s’est avéré globalement nocif aussi bien pour les « enfants du don » devenus adultes (dont certains sont d’ailleurs eux-mêmes parents aujourd’hui) que pour leur famille[1]. Pour cette raison, l’ADEDD encourage les parents à informer leurs enfants, de manière concertée, dans un climat familial propice[2], le plus tôt possible et les accompagne dans cette démarche. Le but est que chaque parent parvienne à aborder ce mode de procréation avec le moins de difficultés possibles en habituant progressivement son enfant jusqu’à en faire quelque chose de « normal » dans son histoire personnelle.

En outre, il nous apparaît très important de ne pas faire du mode de conception quelque chose d’exceptionnel dans la vie de l’enfant et de ses parents. Ce sujet doit, sans aucun doute, pouvoir être abordé sans difficulté des deux côtés mais ne doit pas pour autant devenir obsessionnel. Il y a un juste milieu à trouver : l’enfant ne doit pas être trop sollicité par ses parents concernant son mode de conception à partir du moment où il semble avoir compris cette étape (et surtout lui laisser le temps de se poser ses propres questions sur son mode de conception) mais il convient également de ne pas se satisfaire d’une annonce unique, surtout quand elle est faite alors que l’enfant n’est pas en âge de la comprendre.

Parmi les témoignages de personnes issues d’un don de gamètes et de parents ayant eu recours à un tiers donneur, recueillis au cours des groupes de parole, il a pu être observé une pluralité d’annonces : l’annonce « médicale », « comique », « en image », « unilatérale », « au berceau », ou encore, « redondante ».

L’annonce médicale est celle centrée sur la technique utilisée pour la conception de l’enfant. « Papa et maman s’aimaient très fort mais papa était stérile. Papa maman sont donc allés dans un CECOS, chercher les spermatozoïdes d’un monsieur qu’on ne connaît pas : un donneur anonyme. Maman a ramené les spermatozoïdes dans son thermos  rempli d’azote liquide pour assurer leur conservation. Ensuite, maman est allée voir sa gynécologue pour une insémination artificielle ». Les conséquences rapportées suite à cette annonce par un membre de l’ADEDD sont : « mes parents n’ont jamais fait l’amour pour m’avoir » ; « les CECOS sont des laboratoires secrets perdus au fond de la Sibérie dans le désert de glace » ; « je ne suis pas vraiment humain ».

L’annonce comique est une annonce « décomplexée » qui est rendue possible par un deuil accompli de la fertilité de la part du parent stérile notamment. Exemple : « Toi, ma fille, tu as commencé dans le congélo  » (imaginez le père montrant du doigt le congélateur à sa fille).

L’annonce « en image » est celle observée chez des parents doués de talents artistiques et/ou dont les livres apparaissent comme un outil de première main pour éduquer l’enfant. C’est ainsi que certains ont décidé de créer un livre pour expliquer le mode de conception à leur enfant. Deux beaux ouvrages ont été présentés à Lyon et Paris dans le cadre des groupes de parole. Ces initiatives ont donné des idées aux autres participants.

L’annonce « unilatérale » découle du poids du secret concernant le mode de conception. L’un des deux parents ne supportant plus le secret, « craque » (la mère le plus souvent quand la stérilité est masculine). Parfois, une tension dans le couple est à l’origine (ou la conséquence) de cette révélation.

L’annonce « au berceau » est une annonce débarras le plus souvent. Il s’agit d’une annonce utile pour s’habituer à parler du mode de conception à son enfant mais elle peut également servir à se soulager en disant « la vérité » à l’enfant alors même que ce dernier n’est pas en âge de comprendre. Le problème est que cette annonce est souvent unique.

L’annonce « redondante » ou obsessionnelle est celle portant l’un des parents à s’acharner sur l’enfant car il n’arrive pas à savoir si ce dernier a bien compris son mode de conception. Le parent redoute généralement les conséquences de la conception par don (« si j’étais à la place de mon fils j’aimerais savoir ceci ou cela et à telle date, etc. », « pourquoi mon enfant ne me pose-t-il pas plus de question sur le donneur ? », « peut-être n’a-t-il pas compris comment il a été conçu ? », etc.). Ce type d’annonce a été observé chez des parents en souffrance.

Conclusion

Il n’existe pas de vérité absolue concernant les personnes issues d’un don. Certains vivent sereinement, d’autres moins. Les causes semblent être multiples mais l’annonce du mode de conception semble jouer malgré tout un rôle important. Cette observation faite d’abord par les professionnels eux-mêmes est corroborée par l’ADEDD. Aucune annonce n’est parfaite et seule une annonce murie par les parents est susceptible de poser le moins de difficulté parce que c’est la leur. Dans les groupes de parole, l’association se contente de donner des outils concernant l’annonce du mode de conception mais ce qui importe, c’est surtout de travailler sur ce qui empêche de parler et qui génère de la souffrance pour les enfants et leurs parents.

Christophe Masle

Coordonnées de l’association 

Email. adedd@live.fr

Téléphone : 06 45 91 48 97


[1]
 L’ADEDD a constaté un lien entre le moment de l’annonce du mode de conception d’une part et le souhait, pour une personne issue d’un don, d’avoir accès à certaines données identifiantes et/ou non-identifiantes (âge, profession, etc.) relatives au donneur d’autre part. Les premiers résultats d’une étude menée en interne au début de l’année 2014, semblent mettre en évidence que plus l’enfant est informé tôt de son mode de conception, moins il est enclin à souhaiter pouvoir obtenir des informations concernant son donneur.

[2]Pour l’ADEDD, un climat familial « propice » est une période non marquée par une « rupture » : décès, séparation du couple, accident, maladie ou tout événement susceptible d’engendrer une situation de fort stress chez l’enfant (changement d’école par exemple).

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