L’accueil d’embryon
De la cession d’embryon à l’accueil : quelles interrogations ?
Autorisé par la loi de bioéthique depuis 20 ans, l’accueil d’embryons reste une activité marginale de l’Assistance Médicale à la Procréation alors même que le nombre d’embryons congelés suite à des tentatives de fécondation in vitro et actuellement conservés ne cesse de croître et qu’un nombre assez important de couples – 30% selon les données annuelles de l’Agence de la Biomédecine (ABM) – se disent prêts à donner leurs embryons pour accueil par un couple tiers. Ainsi, au 31/12/2013, 32 249 embryons issus de 9 803 couples (16,8 %) sont conservés sans projet parental ; 12 914 embryons (issus de 3 902 couples) sont potentiellement proposés à l’accueil. Cependant, on observe un décalage entre le nombre d’embryons potentiellement proposés à l’accueil et le nombre d’accueils réellement effectués : en 5 ans (2009-2013), les embryons issus de seulement 535 couples (1/8 seulement) ont été accueillis ! Pourquoi autant de décisions initiales restent-elles sans suite?
Plusieurs explications sont possibles. Du côté du couple donneur, la lourdeur de la procédure administrative, nécessitant parfois plusieurs déplacements, a été évoquée à plusieurs reprises. Au-delà du déplacement lui-même, il est possible que l’obstacle résulte dans le fait de formaliser la décision et d’exprimer verbalement la décision de donner « Leurs » embryons à un couple tiers, ceci correspondant à une « soudaine » prise de conscience que les embryons congelés depuis des années pourraient avoir un devenir autre que celui prévu initialement par le couple. Pour certains couples, la décision de don est spontanée, mais dépourvue d’élaboration. Cette décision n’est pas évidente sur le plan psychologique. Une information plus détaillée, donnée sous forme d’un livret d’information ou au cours de l’entretien avec l’équipe pluridisciplinaire, peut soulever des questionnements chez le couple non envisagées jusqu’alors, et au final, les deux membres du couple pourraient se retrouver en désaccord, changer d’avis et ne pas confirmer la décision mutuelle du don. Ils se sentent partagés entre l’intention d’aider d’autres couples inféconds désirant accueillir des embryons, considérant lors choix comme étant la « moins mauvaise » finalité pour se séparer de ces « embryons congelés embarrassants », et l’impossibilité d’abandonner leurs embryons issus d’une tentative de fécondation in vitro qui leur a permis de devenir les parents. Le choix leur apparait parfois impossible, d’autant que certains font part de leur crainte de la rencontre de leurs enfants avec leurs « frères et sœurs biologiques » issus de ces embryons congelés et de la possibilité d’une relation amoureuse. Réelle crainte, fantasme ou alibi masquant un malaise plus profond? Et si ces embryons restés là, étaient l’ultime preuve d’un parcours particulièrement difficile, émaillé de frustrations en tout genre, de contraintes, de remises en question auxquelles ils n’étaient pas prêts à faire face ? Le courrier de relance annuel qui les questionne sur le devenir de ces embryons fait probablement ressurgir systématiquement tout le vécu qui a accompagné la conception de leurs embryons, comme un flash-back d’un épisode de vie, dont les couples auraient voulu atténuer l’impact, mais en vain.
Les difficultés sont également multiples pour l’équipe en charge de l’accueil d’embryons. Mettre en avant le simple caractère chronophage de la procédure n’est pas suffisant. Les biologistes se retrouvent dans une situation où ils doivent contacter parfois à plusieurs reprises les couples qui ont exprimé leur intention de don parfois plusieurs années auparavant : les couples peuvent être séparés, leur parcours peut avoir concerné plusieurs centres d’AMP et les embryons conservés peuvent avoir été conçus dans un centre différent de celui de stockage actuel. Les praticiens en charge de cette activité avouent souvent être mal-à-l’aise vis-à-vis de ces situations. Le tiraillement entre la « nécessité » d’avoir des embryons disponibles pour le don (puisque le double don de gamètes n’est pas autorisé par la loi française) pour pouvoir aider les couples-receveurs en attente de transfert et la crainte d’influencer un couple donneur dans sa prise de décision peuvent également expliquer les délais de la finalisation de la procédure. Enfin, pour les équipes d’AMP, mettre fin à la conservation d’embryons est en complète contradiction avec leur activité principale qui consiste à optimiser les paramètres de la FIV afin d’obtenir le nombre d’embryons le plus adapté possible et au meilleur potentiel d’implantation afin d’optimiser les chances des couples de devenir parents aux patients pris en charge.
Les résultats de l’enquête menée au sein de 15 centres de la fédération habilités pour l’activité d’accueil d’embryons et présentés lors du séminaire à Amiens en Mars 2016 montrent que:
Dans plus de la moitié des CECOS, après la première réponse du couple à la relance « don pour accueil », malgré le fait que les couples ne se déplacent pas pour la consultation, les dossiers sont définitivement exclus du circuit des relances, la facturation n’est plus réalisée et plus de la moitié des centres (12) ne détruisent pas les embryons après 5 ans de conservation malgré les recommandations de l’ABM. La situation est similaire quand le couple qui s’est pourtant déplacé en consultation ne confirme pas sa décision à 3 mois malgré plusieurs rappels du centre : plus de la moitié des centres ne détruisent pas les embryons après 5 ans de conservation. Par conséquent, on peut supposer qu’en l’absence d’autres informations de la part du couple, ces embryons sont considérés pendant 5 ans comme proposés à l’accueil et signalés comme tels dans les bilans de l’ABM.
Un manque de support informatique adapté pour la gestion de l’activité d’accueil d’embryons complique encore la tâche : Sur 15 CECOS ayant répondu au questionnaire, 14 ont pu donner un nombre précis d’embryons disponibles pour accueil et /ou le nombre de couples donneurs ayant validé la procédure de don et dont les embryons sont en attente de transfert au 31/12/2015 : 599 embryons / 225 couples.
Si 14 CECOS peuvent estimer le nombre de dossiers en attente de confirmation à 3 mois (105 couples donneurs au 31/12/2015), il s’avère beaucoup plus difficile de chiffrer le nombre de dossiers récusés pour le don sans changement de destination dans les 5 ans qui suivent la réponse « don pour accueil » : plus de 114 dossiers dans 13 CECOS (le nombre d’embryons ne peut pas être évalué avec précision pour 5 CECOS).
Pour un tiers des CECOS ayant répondu à l’enquête (5/15), il est impossible d’évaluer le nombre de couples donneurs /embryons de plus de 5 ans depuis la décision de don, mais récusés pour différentes raisons sans changement de destination. Les données montrent que cela concernerait plus de 600 couples (plus de 1990 embryons).
En ce qui concerne les dossiers de moins de 5 ans après que le couple ait exprimé son intention de donner les embryons pour un couple tiers – plus de 184 dossiers dans 10 CECOS sont conservés (le nombre d’embryons ne peut pas être évalué avec précision pour la moitié des CECOS).
La directive de l’ABM du 03/07/2014 – a eu pour but d’éclairer les praticiens sur les situations pour lesquelles la fin de la conservation des embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental est réalisable. Cependant, la gestion de ces données étant peu informatisée, l’application de cette directive tarde à venir, ce qui induit une confusion quant au nombre réel d’embryons proposés à l’accueil.
A un moment où la vitrification embryonnaire apporte une optimisation notable dans l’efficacité de la fécondation in vitro et où se développe le transfert mono embryonnaire, le nombre d’embryons congelés sans projet parental risque de s’accroître pour le plus grand embarras des couples et des équipes d’AMP. Une stratégie visant à informer les patients en amont de la congélation et à toutes les étapes de la conservation, à assurer une gestion rigoureuse du « parc » des embryons congelés par les professionnels et à rappeler la réglementation qui s’applique à cette gestion apparait indispensable. La vitrification des ovocytes avant la fécondation, lorsqu’elle sera parfaitement maitrisée, pourrait aussi être une alternative intéressante.
Oxana Blagosklonov et Isabelle Koscinski
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