Avis du Conseil d’Orientation de l’Agence de la Biomédecine (ABM), relatif à « l’âge de procréer » (séance du 08 juin 2017)

Nov 1, 2018 | Actualités CECOS

Introduction

La condition relative à l’âge de procréer a été posée dès la première loi de bioéthique en 1994 : « l’homme et la femme formant le couple doivent être […] en âge de procréer ». La loi a également introduit la notion d’« intérêt de l’enfant ». Ces deux considérations ont été maintenues au fil des révisions successives de la loi de bioéthique, sans que soient apportées des précisions réclamées par une partie des professionnels : comment définir l’intérêt de l’enfant ? Comment définir précisément l’âge limite de prise en charge chez l’homme et chez la femme ?

Le conseil d’orientation (CO) de l’Agence de la Biomédecine (ABM) souligne que le don de gamètes permet de reculer les limites physiologiques pour concevoir chez l’homme et surtout chez la femme, et qu’il est important d’évaluer objectivement les risques inhérents aux paternités et maternités tardives. En outre, s’il y a une réelle légitimité à donner des limites à l’intervention médicale, il n’est jamais évident de fixer ces limites d’une manière trop stricte, tant la situation de chaque couple est singulière.

L’âge limite : une notion difficile à préciser

Pour s’en tenir à l’Europe, la notion d’âge limite pour procréer en AMP est hétérogène : dix pays définissent un âge maximum pour la femme (entre 40 et 50 ans) ; sept pays dont la France calquent l’accès à l’AMP sur « l’âge naturel de la procréation » sans plus de précision ; enfin, 10 pays ne mentionnent aucune limite. Dans aucun pays, il n’existe de limite affichée concernant l’âge de l’homme.

En ce qui concerne la France, il faut noter qu’en 2004, la Commission Nationale de Médecine et Biologie de la Reproduction (CNMBR), mise en place avant la création de l’ABM, avait recommandé de ne pas accéder à une demande d’AMP pour un âge féminin supérieur à 42 ans et un âge masculin supérieur à 59 ans.

La décision prise en 2005 par la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) allait dans ce sens, en ce qui concerne l’âge de la femme, puisque les actes d’AMP ne sont plus remboursés au-delà du 43ème anniversaire ; cette décision était justifiée par le fait que les chances de succès des techniques d’AMP sont extrêmement faibles à partir de cet âge. Même si ce non-remboursement ne constitue pas une interdiction à réaliser un acte d’AMP au-delà de 43 ans, de nombreuses équipes ont adopté cette décision comme une limite à la prise en charge.

Pour l’homme, la situation est différente, car il n’y a pas d’âge limite au-delà duquel les chances de fécondation -naturelle ou par AMP- s’abaissent de manière brutale. On ne peut donc se référer à des notions physiologiques précises comme chez la femme, mais plutôt à des considérations sociologiques et psychologiques (en pensant à « l’intérêt de l’enfant »).

En 2016, une enquête réalisée auprès des médecins professionnels de l’AMP, a révélé que pour 85% des répondants, un homme « en âge de procréer » devait avoir moins de 60 ans. Les données épidémiologiques sur les naissances en France indiquent que 2% des nouveaux nés ont un père de plus de 50 ans, et que 0,6% ont une mère de plus de 40 ans et un père de plus de 50 ans (soit près de 5000 enfants).

Les risques médicaux liés à une procréation tardive.

Chez la femme : comme souligné plus haut, la fertilité diminue avec l’âge : 24% par cycle à 25 ans, 12% à 35 ans et 5% à 40 ans. L’âge est également un déterminant important de la mortalité et de la morbidité maternelles : pathologies cardiaques, pulmonaires, thrombotiques, rénales, infectieuses, pré- éclampsie….

Les risques pour le fœtus sont également augmentés : anomalies chromosomiques (la trisomie 21 étant la plus connue), prématurité sévère, mort in utero.

Chez l’homme : la spermatogenèse est un phénomène continu à partir de la puberté ; aussi, le nombre très important des divisions des cellules souches –les spermatogonies- tout au long de la vie va entrainer un nombre croissant de mutations que l’homme va transmettre à sa descendance (25 mutations estimées chez un père de 20 ans, 65 à 40 ans et 85 à 60 ans).

Ces données expliquent l’association constatée depuis longtemps entre la survenue de certaines maladies génétiques rares chez des enfants et l’âge du père, en particulier au-delà de 50 ans (achondroplasie, syndrome d’Apert, neurofibromatose, rétinoblastome, trisomie 21). Les études ont également révélé une relation entre l’âge paternel et l’incidence des troubles neuro-développementaux chez l’enfant (schizophrénie, autisme, troubles bi-polaires…)

Parentalités tardives et développement psychologiques de l’enfant ; liens intergénérationnels

Ces questions sont délicates et il n’y a pas de réponse claire, mais plusieurs études ont rapporté des difficultés à l’adolescence chez des enfants issus de parents âgés, surtout de pères. Les relations intergénérationnelles sont également perturbées, lorsque les hommes procréent à l’âge d’être grand-père, ou lorsqu’ils le sont déjà, avec des difficultés pour l’enfant à s’inscrire dans l’ordre de la filiation et du groupe social. Enfin, la parentalité tardive expose à un risque accru d’avoir un parent décédé avant que l’enfant n’ait atteint l’âge adulte, et encore plus fréquemment d’avoir des parents présentant une incapacité, voire une perte d’autonomie.

Coût pour la société

En France, les traitements de l’infertilité sont totalement pris en charge par la Sécurité Sociale. Cependant, la prise en charge des grossesses tardives, facilitées par le recours à l’AMP, avec les complications obstétricales, périnatales et post-natales décrites précédemment, représente un coût supplémentaire non négligeable. À la différence des grossesses naturelles, les équipes médicales ont une responsabilité évidente lorsqu’il s’agit d’AMP dans la survenue de ces grossesses tardives, ce qui justifie la légitimité de leur désir d’imposer des limites.

En conclusion, et en tenant compte des différents grands principes éthiques – autonomie, bienfaisance, non malfaisance, équité -, le CO a considéré pertinent de préciser la notion d’âge dans le cadre d’un recours à l’AMP : 43 ans pour la femme et une discussion au cas par cas entre 43 et 45 ans si utilisation d’ovocytes conservés ou issus d’un don et 60 ans pour l’homme en AMP intraconjugale ou avec don de spermatozoïdes, en insistant sur l’importance d’un accompagnement bienveillant quelle que soit la décision de l’équipe médicale.

JF Guérin

 

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