L’embryon et le droit

Avr 1, 2015 | Actualités CECOS

L’embryon humain  dans le droit
Xavier BIOY : Professeur de Droit public, Toulouse

La question du statut juridique de l’embryon demeure l’une des plus complexes de la doctrine juridique. Cette situation résulte d’une absence de traitement explicite par les textes ou par les juges. Cela mérite une petite leçon de biopolitique: l’existence précède l’essence. En effet, l’impression d’incertitude vient sans doute de ce que les professeurs de droit entretiennent la confusion. Ils sont à la recherche de l’essence de l’« embryon », comme entité « en soi », qu’il faudrait classer dans les catégories du droit des personnes, entre personne et chose. Or, face à l’existence de normes organisant divers usages des embryons, ils en concluent souvent « qu’il n’y a pas de statut de l’embryon »… Le droit français a maintenant acté du caractère déterminant de l’usage de l’embryon, selon qu’il se trouve in utero ou in vitro. Le rêve, sans doute éthique, d’une unité essentielle de l’« embryon » a vécu. Seule l’existence d’un projet, parental ou sociétal, demeure. L’impact de la loi de 2013 relative à la recherche sur l’embryon a achevé d’instrumentaliser ce que l’œil du scientifique réduit à un matériau génétique. Alors que le législateur français autorise désormais ce traitement sans jamais définir ce qu’est un « embryon » pour le droit, la Cour de justice de l’Union Européenne s’est attelée à en donner une telle définition.

1. La qualification de l’embryon in vitro

Entre l’être et la chose, l’embryon non implanté ne dispose pas de la même qualification, c’est-à-dire du même « nom » que l’embryon in utero. En principe, à une qualification correspond un « régime », c’est-à-dire un ensemble cohérent de règles, de normes.

Le statut de l’embryon in utero  est régi par les dispositions relatives à l’IVG, par la suite étendues, c’est-à-dire par le principe du « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (actuel article 16 du Code civil). Ce principe, créé de toutes pièces pour justifier qu’il soit fait obstacle à la liberté de la femme de disposer de son corps au-delà des douze semaines du délai de l’IVG (Conseil constitutionnel, 04 juillet 2001 – Décision n° 2001-449 DC, IVG II), ne s’applique pas à l’embryon in vitro. Le législateur de 1994 l’a ainsi voulu sans que le Conseil constitutionnel n’y voit à redire puisque les principes de dignité et de primauté de la personne ne s’appliquent pas (Décisions du 27 juillet 1994,  n° 94343/344 DC, Bioéthique I et n° 2013-674 DC du 01 août 2013). Destiné à une naissance, la vie in utero, bénéficie d’une protection que la vie in vitro n’a pas encore ou n’aura jamais. Encore faut-il souligner que le Conseil de l’Europe laisse aux Etats le soin de protéger ou non l’enfant à naître (Cour européenne des droits de l’homme, 8 juillet 2004, Vo c. France).

L’embryon in vitro ne peut donc être qualifié d’être humain puisqu’il ne bénéficie pas de la protection attachée à l’embryon in utero. Si la qualification suit indissociablement le régime, les embryons in vitro relèveraient d’une autre catégorie, probablement celle des « non-êtres humains », celle des « choses ».

Cette absence de qualification explicite en droit interne et en droit du Conseil de l’Europe, qui ne perturbe au fond pas beaucoup les pratiques biomédicales, rend d’autant plus surprenante l’irruption de la Cour de Justice de l’Union Européenne dans le débat. C’est en effet elle qui, à deux reprises, est venue donner une définition de ce qu’il faut entendre par « embryon ».

Dans son arrêt C-34/10 du 18 octobre 2011, Oliver Brüstle / Greenpeace eV, pour poser qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en oeuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, la notion d’« embryon humain » doit être comprise largement comme tout ovule humain dès le stade de sa fécondation, dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain. L’ovule humain non fécondé, dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté, et l’ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse doivent également être qualifiés d’« embryon humain ».

La Cour estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en oeuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ. Le brevet n’est possible que lorsque l’invention concerne l’utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles (par exemple pour corriger une malformation et améliorer ses chances de vie).

Restait la question des inventions portant sur l’utilisation de CSEh obtenues à partir des lignées de CSEh déjà établies et disponibles dans les biobanques. Dans son arrêt C-364/13, du 18 décembre 2014, International Stem Cell Corporation, elle précise que pour pouvoir être qualifié d’« embryon humain », un ovule humain non fécondé doit nécessairement disposer de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain. Par conséquent, le seul fait qu’un ovule humain activé par voie de parthénogenèse commence un processus de développement n’est pas suffisant pour le considérer comme un « embryon humain ».

Une définition appelle un régime.

2. Le régime de l’embryon in vitro

Cependant des éléments de protection sont tout de même posés. Leur fondement tient alors dans un autre élément législatif : l’intégrité de l’espèce humaine, elle-même « affiliée » à la dignité de la personne. Les embryons in vitro font en effet l’objet de normes qui ne le protègent pas « pour eux » mais qui les dépassent en ce qu’elles les considèrent comme matériau humain ; ces normes sont de nature sanitaire, de nature à protéger la collectivité de manipulations génétiques, du clonage…

Cela commence par la production de l’embryon qui ne peut poursuivre qu’une finalité procréative (art. L.2141-3 CSP) à l’exclusion de toute finalité industrielle ou commerciale, sans que cela n’exclut l’importation, notamment à des fins de recherche (art. L. 2141-9 CSP). Cette protection encadre ensuite l’utilisation de l’embryon, particulièrement l’embryon surnuméraire qui peut faire l’objet d’un don pour éviter sa destruction (L. 2141-5 CSP).

Néanmoins, l’abandon de l’embryon semble inéluctable lorsqu’un des membres du couple engagé dans une procédure d’AMP se rétracte (CEDH, Gr. Ch., 10 avr. 2007, Evans c. RU et art.2141-2 CSP). Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement.

Le plus évident reste toute de même l’absence de protection concrète de chaque embryon pris individuellement. On protège l’idée d’embryon contre des utilisations mercantiles mais chaque embryon qui n’est pas utilisé pour une grossesse est voué à la destruction, notamment après recherche.

La loi du 7 juillet 2011 permet désormais aux couples n’ayant plus de projet parental, outre de mettre fin à la conservation des embryons, de les donner pour la procréation ou pour la recherche mais aussi de permettre à ce que les cellules dérivées à partir de ceux-ci entrent dans une préparation de thérapie cellulaire à des fins exclusivement thérapeutiques.

La conservation de l’embryon a ainsi une fin programmée (au bout de cinq années) et les juges estiment que la perte d’un embryon ne s’indemnise pas en tant que telle sauf à prouver une perte de chance d’être parent ou un préjudice lié à la difficulté de mener une nouvelle procréation médicalement assistée (Cour administrative d’appel de Douai, 6 décembre 2005).

La recherche sur l’embryon, ouverte par la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 et la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-674 DC du 01 août 2013 (voir aussi le Décret n° 2015-155 du 11 février 2015) achève de réduire le régime de protection. Selon l’article L. 2151-5 CSP « aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation ». L’obtention de cette autorisation repose sur plusieurs conditions : la pertinence scientifique de la recherche, son inscription dans une finalité médicale, sa subsidiarité (cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires), le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon (art. L. 2151-1 et articles L. 1211-1 et s. CSP: interdiction du clonage à des fins thérapeutiques ou de recherche, de la création d’embryons transgéniques ou chimériques ainsi que de la conception d’embryon ou de leur utilisation à des fins industrielles. Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.

Mais en quoi le fait qu’on attende après un couple qui « n’a plus de projet parental » est-il une protection de l’embryon ? En quoi le fait de se limiter à des embryons issus de l’AMP est-il une protection de ceux-ci ? En quoi la « finalité médicale » suffit-elle à justifier l’utilisation de ce que le CCNE baptise « personne potentielle » ? La loi ne fait en réalité que limiter le nombre d’embryons utilisés, elle ne les protège pas.

Ainsi en atteste un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 23 décembre 2014, ABM, n° 360958) qui tire toutes les conséquences du caractère dérogatoire de la recherche en rappelant qu’il appartient à celui qui sollicite une autorisation d’apporter, à l’appui de sa demande, tous éléments de nature à démontrer que la recherche envisagée ne peut être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable. Il sanctionne l’Agence de la biomédecine qui a omis de porter son appréciation, par ses propres moyens, sur l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable et, par suite, la nécessité du recours aux cellules souches embryonnaires humaines.

Cet embryon de protection ne lui donne pas moins un « statut ».

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