Première naissance après greffe d’utérus dans l’espèce humaine

Nov 2, 2014 | Actualités CECOS

Première naissance après greffe d’utérus en Suède

Le 05 octobre 2014, l’équipe suédoise de Mats Brännström annonçait dans un article du Lancet, la naissance d’un petit garçon chez une femme ayant subi une transplantation utérine 22 mois plus tôt : http://dx.dol.org/10.1016/S0140-6736(14)61728-1. La greffe d’utérus, innovation dans le domaine de l’infertilité et de l’AMP, ouvre enfin une perspective thérapeutique aux femmes sans utérus ou sans utérus fonctionnel, même si elle demeure pour l’instant un traitement lourd et expérimental.

La donneuse : âgée de 61 ans est une amie proche de la famille qui s’est proposée, la mère de la receveuse n’étant pas compatible. Ayant elle-même eu 2 enfants, elle était ménopausée depuis 7 ans. L’hystérectomie s’est déroulée sans incident particulier et sans complications.

La receveuse : âgée de 36 ans présentait une absence congénitale d’utérus (syndrome de Mayer Rokitansky Küster Hauser ou MRKH), dans sa forme atypique, associée à une agénésie rénale. Elle avait accepté de faire partie de l’essai clinique de greffe utérine avec donneuse vivante, autorisé par le gouvernement et réalisé au Sahlgrenska Hospital de Göteborg (voir les résultats à 6 mois post-opératoire des neuf greffes réalisées en 2013 ; Brännström M et al, Fertil Steril 2014, 5 : 1228-36). Les suites opératoires ont été simples, en dehors d’un hématome rétropéritonéal nécessitant l’administration de 2 culots globulaires. Les premières règles sont apparues au 43e jour, suivies de menstruations régulières, d’une cyclicité moyenne de 32 jours. Le traitement immunosuppresseur, débuté juste avant l’intervention (anticorps antithymocytes et corticostéroïdes), a été maintenu durant la période d’observation. Il comprenait une association orale de tacrolimus et de mycrophenolate mophetil (MMF). A 6 mois, des corticostéroïdes ont été rajoutés (prednisolone, 5 mg), en raison d’épisodes subcliniques de rejet, dépistés histologiquement sur des biopsies de contrôle du col utérin. A 10 mois, le MMF, potentiellement tératogène, a été remplacé par l’azathioprine.

L’équipe médicale : c’est certainement le groupe qui a la plus large expérience depuis plus de 10 ans de la greffe utérine dans divers modèles animaux (rat, brebis, babouin) et qui a participé à une large réflexion éthique, multidisciplinaire et multicentrique publiée dans la presse scientifique. Le choix de recourir à des donneuses vivantes s’explique en partie par la grande expérience suédoise des greffes de rein et de foie. Une coopération internationale a été développée : un gynéco obstétricien espagnol, un chirurgien australien et un spécialiste d’imagerie anglais ont participé à cette étude et cosigné la publication.

L’Assistance Médicale à la Procréation : Douze mois après la greffe et en l’absence de nouvel épisode de rejet depuis 6 mois, il fut décidé de procéder au premier transfert d’embryons congelé. Afin d’éviter tout risque supplémentaire (infection, hyperstimulation…), 3 cycles d’ICSI avaient été réalisés 1 an avant la transplantation et 11 embryons avaient pu être cryopréservés. La première décongélation de 3 embryons a permis le transfert, en cycle spontané, d’1 embryon de 4 cellules, ayant conservé 3 blastomères intacts. Et, comme dans les contes de fée, la grossesse fut au rendez-vous, sans incident notable jusqu’à 31 semaines, la patiente travaillant d’ailleurs normalement.

L’enfant : A 31 semaines et 5 jours, la patiente est admise à l’hôpital en raison d’une hypertension, de céphalées et d’une protéinurie témoignant d’un état de pré éclampsie. La césarienne est décidée devant une décélération du rythme cardiaque fœtal. Pour la        première fois au monde, une femme « sans utérus » a ainsi donné naissance à un petit garçon, parfaitement normal (1,775 kg, correspondant à l’âge gestationnel).

Le premier bilan : de l’avis même de l’équipe suédoise, la transplantation utérine ne sera pas une chirurgie classique avant de nombreuses années et demeure un processus expérimental. Le temps chirurgical a été plus long que ce qu’ils prévoyaient ; l’aménorrhée et la position atypique des ovaires ont compliqué la stimulation ovarienne ; la pré éclampsie n’était pas prévisible d’après l’étude dynamique de la vascularisation utérine, mais pourrait résulter d’un effet de l’immunosuppression et/ou de l’âge élevé de l’utérus donné (allogénique), toutes situations qui augmentent par ailleurs le risque d’éclampsie. S’il est raisonnable de faire preuve de prudence, on ne peut que saluer cette performance et rappeler que la FIV non plus n’est pas devenue une technique de routine en un jour.

La suite : Onze transplantations utérines ont eu lieu jusqu’à présent chez l’humain. La première en Arabie Saoudite, en 2000, s’est terminée par le retrait de l’utérus greffé au bout de 90 jours, en raison d’une nécrose, la seconde en 2011, réalisée par une équipe turque à partir d’une donneuse décédée, a permis l’obtention de 2 grossesses avec malheureusement FCS précoces. Le protocole initié par Mats Brännström comprenait 9 greffes à partir de donneuses vivantes chez 8 patientes MRKH et une femme ayant subi une hystérectomie pour cancer du col utérin. Deux receveuses ont développé des complications locales (infection pour l’une, thrombose vasculaire pour l’autre) ayant nécessité l’ablation de l’utérus greffé. Il y a donc toujours 6 femmes qui sont en cours ou en attente de transfert d’embryons congelé, voire enceintes… L’étude du taux de naissance de la cohorte complète de ces 7 femmes suédoises transplantées sera la meilleure preuve de l’efficacité réelle du procédé ainsi que des risques médicaux et psychologiques encourus.

Mats Brännström n’élude pas les problèmes éthiques soulevés par cette greffe particulière, « non vitale mais permettant de donner la vie » et destinée à être éphémère. La lourdeur du protocole, son coût pour la société ainsi que le choix de recourir à des donneuses vivantes, en particulier, est sujet à débat. Quoi qu’il en soit, après ce premier succès, le résultat final de l’essai clinique suédois sera passionnant à découvrir et cette technique, si elle se confirme, pourrait bien rendre une grande partie du débat sur la GPA obsolète….

Jacqueline Mandelbaum

PS. En France, l’équipe la plus avancée sur ces nouvelles transplantations est celle du CHU de Limoges (Pascal Piver et Tristan Gauthier) qui a une large pratique expérimentale de la greffe utérine chez l’animal, mais aussi de la possibilité de prélever l’utérus, dans le cadre d’un prélèvement multi organes, chez des femmes décédées. Cette option semblerait éthiquement plus satisfaisante que celle choisie par les suédois.

La certification a été délivrée au titre de la catégorie : ACTIONS DE FORMATION

Siège social

478 Rue de la Découverte
Mini Parc 3
CS 67624 31676 LABEGE Cedex
SIREN 300 089 646

SIRET 300 089 646 00032
Déclaration Activité N° 76 31 09316 31
Code APe 7219Z
Nous contacter