Procréer par don: compte rendu de la session CECOS au dernier congrès de FFER

Oct 1, 2014 | Actualités CECOS

1ère des 4 interventions présentées lors du congrès de la Fédération Française d’etudes de la Reproduction FFER

Compte rendu de la session CECOS (FFER 2014) : Procréer par don

Lors du congrès de la FFER, la Fédération des CECOS a organisé une session sur le thème de la Procréation par don de gamètes considérée d’un point de vue  socio-psychologique.

La première communication a traité d’un sujet complexe : être stérile et procréer (Zohra Perret, psychologue). En effet, l’AMP avec don de gamètes constitue un lieu où se posent les questions de la maternité et de la paternité, du désir d’enfants, et de la filiation dans sa représentation symbolique. C’est pourquoi l’entretien psychologique, proposé dès le début du fonctionnement des CECOS, apparaît si important : c’est le lieu où les couples  trouvent  une écoute pouvant prendre en compte la singularité de leur histoire, et des difficultés réelles ou fantasmatiques que suppose leur démarche (parler de la stérilité et du  choc de son annonce  – avec comme conséquence  la blessure narcissique  et le nécessaire travail de deuil de la fertilité –  de la confrontation nécessaire aux idéaux familiaux et sociaux).

La paternité reste, encore plus que dans la filiation dite biologique, subordonnée à l’attitude de la femme : il est important que le père ne se sente pas exclu de la relation, de cette histoire qui va se jouer « en dehors de ses gènes ».

Elle est également subordonnée à la présence fantasmatique du donneur :

– soit le donneur est perçu comme une figure altruiste faisant « une courte échelle » à cet homme désireux d’être père

– soit il est perçu comme un double paternel renvoyant l’homme stérile à la place de père illégitime, comme un rival qui lui barre la route à tout accès à la fonction symbolique de la paternité et donc à la transmission de sa filiation.

En fait, après la sidération de la pensée que produit le choc de la stérilité,  il s’agit d’aider les couples à se déprendre du tout biologique, et de remettre en mouvement l’imaginaire et les capacités à symboliser, leur permettant de se sentir un couple et des parents « comme les autres »

Les PMA avec don  nous confirment,  si besoin est, que la parenté,  et donc la filiation et la transmission peuvent  se passer des liens du sang

De fait les sociétés humaines ont toujours consacré la primauté de la dimension symbolique de la filiation au fondement même du lien social. Le sentiment de filiation est bien « un phénomène psychique qui se construit dans un contexte social » (Soulé et  Noël, 1986  in « Le secret des origines »).

Deux conceptions aujourd’hui s’affrontent : un modèle où l’approche de la  stérilité est  médicale, basé sur la solidarité et un modèle de stérilité dite sociale basée sur l’égalité

Le modèle CECOS : une conception basée sur la solidarité

Les principes fondateurs, énoncés par le Pr Georges  David dès la création du 1er CECOS en 1973, vont en ce sens : gratuité, anonymat, don d’un couple fertile à un couple stérile (qui a évolué en « don d’un homme fécond à un homme stérile », pour ce qui concerne le don de spermatozoïdes). Selon Titmus (1972) « le don est un facteur de lien social lorsqu’il répond à certaines exigences aux premières desquelles figurent l’anonymat et la gratuité et enfin le désintéressement ». Ce don gratuit anonyme et désintéressé est « déposé à l’adresse de la société qui a en charge son institutionnalisation, sa circulation ». Dans ce cas de figure, le « contre-don » relève du sentiment valorisant de générosité et d’altruisme partagés dans une société humaniste et solidaire. Chaque don porte donc en lui la promesse d’un contre don, qui est « d’un rendu social et un fort sentiment d’appartenance collectif »

Ainsi, avec cette philosophie du don de gamète en France dans laquelle s’inscrit le CECOS : l’anonymat constitue un principe organisateur 

Le CECOS organise la circulation des gamètes selon des modalités intimement liées au modèle du contrat social basé sur la solidarité, comme cela se retrouve dans la pratique du don du sang et des organes. Le CECOS se préserve ainsi de la tentation mégalomaniaque de s’octroyer le pouvoir de changer l’ordre de la filiation en France….parce que changer le mode de filiation ne relève pas du médical mais d’un choix de société.

D’un autre côté, la conception de la stérilité dite «  sociale » est  basée sur l’égalitaire

Les tenants de cette conception contestent le fait que l’indication médicale des PMA soit  pensée exclusivement sur le mode de la stérilité médicalement avérée. L’hypothèse centrale de cette position est de concevoir l’aide de l’assistance à la procréation avec tiers donneur en proposant un nouveau concept : la stérilité dite « sociale », se voulant égalitaire, développé par exemple, par Irène Thery (2010).

La levée de l’anonymat est considérée comme fondamentale dans ce modèle, car elle conditionne l’accès des PMA aux stérilités dites sociales : femmes seules, couples homosexuels; dans ces situations l’accès à l’identité du donneur (se) apparaitrait particulièrement importante pour les enfants issus de ces dons.

Ce modèle perçu comme égalitaire est une construction qui, peut a priori séduire, car il se base sur la levée de l’anonymat pour une société « plus juste et plus égalitaire « : égalité entre tous, quel que soit leur mode de conception ou le modèle de projet parental qui préside à leur naissance : hétérosexuel, monoparental, homosexuel.

Cependant, ainsi que le souligne très justement Ariane Poulantzas (« un jour mon donneur viendra » ; in La vie des idées, 2011), ce qui fait la force de ce modèle fait aussi sa faiblesse : « Le réel, dans toutes ses dimensions complexes et parfois même contradictoires, est absent…Les protagonistes (donneurs, receveurs, enfants nés du don)  sont abordés comme des entités quelque peu abstraites, des entités juridiques et sociales ».

Dans cette conception, lever l’anonymat, transforme de fait  le don comme principe fondamental de solidarité, en un don direct, même si l’identité du donneur n’était révélée qu’à la majorité de l’enfant. Le  don de gamètes se retrouve personnalisé, ce qui n’est pas sans effet sur la place de chacun des protagonistes, et sur la fonction parentale

Le maintien de l’anonymat est un principe qui reste largement revendiqué, aussi bien du coté des donneurs que des couples receveurs. Si la majorité des donneurs et des couples receveurs sont plutôt hostiles à l’idée de la levée de l’anonymat c’est par souci de préservation de leur espace intime.

Les procréations médicalement assistées interfèrent avec ce qui relève normalement de l’intime, un acte qui convoque des personnages multiples (médecins, biologistes, psychologues, magistrats, donneurs…etc.).

Dès lors que l’enfant attendu et désiré des années durant, se concrétise et vient au monde, le couple devenu parent récupère l’intimité qui lui a fait défaut tout au long de ce parcours de procréation. On  comprend alors que la levée de l’anonymat dans ces conditions est vécue comme la crainte de la violation, de l’effraction de l’espace personnel et intime. Une distance est alors recherchée aussi bien vis-à-vis du donneur que de l’institution médicale avec laquelle ils ne souhaitent pas entretenir des liens particuliers. Ils redeviennent « un couple et des parents comme les autres »,  un couple « normal ».

         Jean-François Guérin

A suivre: trois études importantes, présentées lors de cette session CECOS à la FFER, concernant les relations au don de gamètes des différents protagonistes seront présentées dans la prochaine newsletter

 

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