Ouverture du don de gamètes aux hommes et femmes n’ayant pas procrée : évolution ou révolution?

Déc 17, 2015 | Actualités CECOS

Donneurs et donneuses n’ayant pas procréé

Depuis 1973, date de la création du premier CECOS et de la mise en œuvre du don de spermatozoïdes en France dans un cadre « légal » défini, peu de modifications ont été introduites concernant les modalités de recrutement des candidats au don de spermatozoïdes et d’ovocytes. L’homme ou la femme candidat au don devait faire partie d’un couple et avoir un enfant, permettant de respecter deux conditions préalables à la démarche : la solidarité entre couples fertiles et couples infertiles et l’expérience de la parentalité.

 Ces conditions ont été retenues dans la loi dite sur la bioéthique de Juillet 1994 sous les termes « le donneur doit faire partie d’un couple ayant procréé ». Dans le cadre de la révision de la loi en août 2004 et dans son décret d’application de décembre 2006, la notion de procréer persistait mais celle de l’appartenance à un couple disparaissait. Cette disposition avait pour but de s’adapter aux modifications que connaissait notre société en ce qui concernait la stabilité et la durabilité des couples. L’expérience de la parentalité était maintenue mais la notion de don d’un couple fertile à un couple infertile pouvait dans certaines situations disparaitre. En effet, il était (il est) tout à fait envisageable de rencontrer des candidats au don ayant procréé au sein d’un premier couple et faisant partie d’un nouveau couple au sein duquel le donneur n’avait (n’a) pas procréé avec la possibilité d’être confronté ultérieurement à l’infertilité. En réalité, cette disposition de 2004 a eu peu ou pas d’influence sur le nombre de donneurs de gamètes recrutés mais a très probablement empêché une diminution du nombre de candidats au don.

Tout récemment, le décret du 13 Octobre 2015 en application de la loi de bioéthique de Juillet 2011 élargit la possibilité de donner ses gamètes, aux hommes et femmes faisant ou non partie d’un couple mais n’ayant pas procréé. Il autorise aussi les candidats au don de gamètes à pouvoir bénéficier d’une conservation de leurs gamètes pendant leur démarche de don afin d’éviter potentiellement d’être confrontés ultérieurement dans leur propre projet parental, à une infertilité. Ce décret est assorti d’un arrêté en date du 24 Décembre 2015 modifiant en partie les règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et définissant les modalités de mise ne œuvre de la conservation d’une partie des gamètes du donneur n’ayant pas procréé à son bénéfice. Il intéresse plus spécifiquement les règles de répartition des gamètes destinées à la réalisation du don qui sont déclinées en fonction du nombre d’ovocytes pour les donneuses  et du nombre de recueils pour les donneurs de spermatozoïdes. Sans détailler cette règle de répartition, l’arrêté favorise la démarche en vue de don en définissant un nombre minimal d’ovocytes et de recueils de spermatozoïdes avant d’envisager la possibilité de préservation de la fertilité. Il est certain que quelle que soit la règle de répartition envisagée, celle-ci soulèvera des questionnements sur le bien-fondé de celle-ci, en termes de chance de succès du don, surtout en ce qui concerne le don d’ovocytes, et de la réelle efficacité de la préservation de la fertilité féminine. L’arrêté autorise cette possibilité de préservation de la fertilité des donneurs de gamètes n’ayant pas procréé mais ne l’impose pas.

Cette nouvelle disposition est censée ouvrir les portes au recrutement d’un plus grand nombre de donneurs de spermatozoïdes ou d’ovocytes et à une meilleure réponse à la demande des couples infertiles. Ce décret et cet arrêté rompent d’un seul tenant avec les deux grands principes que sont l’appartenance à un couple et le fait d’avoir procréé. Ils peuvent potentiellement modifier les motivations des donneurs, permettre indirectement la conservation d’ovocytes pour convenance personnelle, créer une certaine inégalité entre les donneurs et les donneuses qui n’ont pas procréé et ceux qui ont procréé qui ne pourront pas bénéficier de la conservation de leurs gamètes, mettre en difficulté les donneurs ou donneuses qui n’arriveraient pas à accomplir leur propre projet parental et s’interrogeraient sur les enfants potentiellement issus de leur don…D’innombrables problématiques sont déjà envisagées, certaines sont encore ignorées.

Pourtant, cette nouvelle disposition n’annihile pas la notion de solidarité qui constitue le principe de base de tout don. Elle s’adapte encore à l’évolution de notre société, en France et au-delà de nos frontières, qui doit intégrer des modifications continues de la notion de couple, de procréation et de parentalité. Toute personne peut connaître l’expérience de la parentalité sans avoir procréé voire sans faire partie d’un couple. Toute personne peut aussi procréer sans y associer l’expérience de la parentalité. L’ouverture au don de gamètes aux hommes ou femmes n’ayant pas procréé constitue avant tout une évolution plutôt qu’une révolution. Elle nous questionne beaucoup car elle ébranle nos certitudes. Elle doit avant tout nous rappeler que dans une démarche éthique et médicale associée à une évaluation propre de nos pratiques, elle ne pourra que nous aider à apporter une meilleure réponse à nos questionnements et aux demandes des couples infertiles. Cette évaluation va être initiée au sein de la fédération des CECOS dès l’accueil de ces nouveaux candidats au don avec l’objectif de pouvoir adapter ou modifier nos pratiques.

La prochaine évolution serait-elle de reconnaître que la notion de couple ne puisse plus se définir uniquement par les termes « l’homme et la femme formant le couple » pour permettre l’accès à la parentalité dans le cadre du don, aux couples de composition différente voire en dehors de toute notion de couple, prise en charge existante depuis de nombreuses années dans les centres d’AMP hors de nos frontières et en dehors des centres d’AMP à l’intérieur de nos frontières ?…Pouvons-nous continuer à ignorer ce qui existe déjà ?

Nathalie Rives

 

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