La fin de l’anonymat du don de gamètes est-elle programmée?

Jan 23, 2018 | Actualités CECOS

En avril 2016, Joyce C Harper, Debbie Kennett et Dan Reisel publiaient, dans le journal scientifique Human Reproduction (1), un article à sensation prédisant la fin du don anonyme de gamètes et de l’anonymat des donneurs dans le sillage du développement de deux nouveaux marchés : celui des tests génétiques en accès libre aux consommateurs et celui des grandes bases de données généalogiques internationales en ligne.

Actuellement, dans le monde, si le don de gamètes est encore majoritairement pratiqué en respectant l’anonymat du don (Etats-Unis, Canada, Espagne, France, Japon, Chine …), à la suite de la Suède (1984), d’autres pays ont choisi de lever cet anonymat (Autriche, Suisse, UK, Nouvelle Zélande, Australie…) voire de maintenir les deux systèmes (Danemark). Peu de pays ont, cependant, suivi l’exemple de l’Irlande qui a instauré un registre national des donneurs de gamètes et des enfants nés du don et informera de ce statut tout individu demandant une copie de son certificat de naissance. Or, alors que des milliers d’individus dans le monde sont issus d’un don de gamètes (en France, sans doute près de 60 000 individus actuellement), tous les parents ne révèlent pas à leur(s) enfant(s) leur mode de conception.

Pour Harper et al., tout change avec l’accès direct de tout un chacun à des analyses génétiques, via Internet, sans consultation médicale préalable. Cette possibilité est surtout utilisée par ceux qui font une recherche généalogique (déjà 3 millions d’usagers) mais on observe déjà quelques cas d’enfants issus du don où l’analyse du chromosome Y, qui est censé suivre le patronyme, a permis de remonter jusqu’au nom de famille du donneur.

Les auteurs font l’hypothèse que dans un futur proche, il y aura de plus en plus d’individus qui devront faire face à la découverte d’une information potentiellement traumatisante sur leur origine génétique. Ceci peut être le cas pour des enfants issus d’une relation extraconjugale, mais également pour les usagers des registres du don, qui existent aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et offrent un espace considéré comme sécurisé où les donneurs et les enfants peuvent faire des recherches et ajouter des informations génétiques les concernant dans une base de données.

De plus, les occasions de réaliser une analyse complète du génome d’un individu vont se multiplier, que ce soit pour des raisons scientifiques ou médicales comme le projet 100 000 génomes actuellement en cours en Grande Bretagne. Selon les auteurs, le diagnostic prénatal non invasif pourrait aboutir à ce que les enfants connaissent leur génome dès la naissance. Cependant, ce diagnostic, qui repose sur le séquençage massif de l’ADN circulant dans le sang d’une femme enceinte, donc du séquençage à la fois de son génome et de celui du fœtus, risque d’être plus difficile à utiliser du fait de ce mélange.

L’utilisation des bases de données pour percer l’identité d’un donneur n’exige même pas que l’ADN de ce dernier ait été séquencé et enregistré : par un mécanisme de triangulation, les enfants, naturels et par don, d’un donneur peuvent croiser leur données et permettre son identification, d’autant plus facilement que le patronyme est rare dans la population, d’où la nécessité, insistent les auteurs, d’une profonde réflexion de la société pour protéger l’intérêt et les droits des donneurs et des enfants issus du don :

  • Que le don de gamètes soit réalisé avec ou sans anonymat, les donneurs doivent être informés que l’anonymat ne peut être garanti et que leur identité peut être retrouvée si leur ADN ou celui d’un membre de leur famille a été ajouté à une banque de données.
  • Les adultes nés d’un don de gamètes qui n’auraient pas été informés de ce statut, peuvent découvrir accidentellement leur mode de conception.
  • De plus, les parents doivent savoir que l’ADN de leur enfant pourra révéler qu’il est issu d’un don de gamètes, et il faut donc les encourager à l’informer, le plus précocement possible, sur son mode de conception.

En conclusion, insistent Harper et al., tous les protagonistes du don doivent savoir que, dans un avenir proche, le maintien de l’anonymat dans le don de gamètes sera de plus en plus problématique. Les professionnels et institutionnels doivent donc réfléchir aux moyens d’assurer la protection du droit à la vie privée de tous : enfants, parents et donneurs.

Article réaliste ou alarmiste ? Si, pour Harper et al., la fin de l’anonymat du don de gamètes est programmée, allons au bout du propos et faisons le constat que la procréation « naturelle » ne sera pas épargnée par cette « traque génétique ». La filiation nécessiterait ainsi, pour tous, la justification de la « preuve par l’ADN » et c’est au bouleversement de la fonction parentale que nous assisterions. Gageons que nous sommes encore loin de ces perspectives !

Le statut particulier de la France où le don de gamètes est anonyme et les tests génétiques encadrés médicalement ne doit pas empêcher la réflexion, d’autant que les pratiques internationales, décrites par les auteurs, transgressent allègrement les législations établies. Depuis plusieurs années, les CECOS informent d’ailleurs les couples du bien-fondé, pour plusieurs raisons, d’une révélation précoce, à leurs enfants issus d’un don, de leur mode de conception.

Comme le soulignent Harper et al., il faudra trouver les moyens d’assurer la confidentialité génétique de même qu’on tente de contrôler la confidentialité numérique.

Jacqueline Mandelbaum et Jean-Pierre Siffroi

Bibliographie

1 – JC Harper, D Kennett, D. Reisel. The end of donor anonymity: how genetic  testing is likely to drive anonymous gamete donation out of business. Human Reproduction, 2016, 31 : 1135-1140.

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