Comment circule l’information entre parents et enfants après don de spermatozoïdes chez des couples hétérosexuels?

Fév 6, 2018 | Actualités CECOS

En général, la divulgation à l’enfant de l’information sur sa conception par don de gamètes a évolué du secret à une plus grande ouverture d’esprit, même si les parents se posent beaucoup de questions sur comment et quand ils parleront à leur enfant de son mode de conception. Beaucoup d’éléments concernant la complexité de ce processus de partage d’information ont déjà été rapportés par divers auteurs mais aucun n’avait illustré à ce point, comme vient de le faire l’équipe suédoise d’Isaksson et al. (1), l’importance du rôle de l’enfant dont les réactions sont un moteur ou un frein puissant à cet échange. Comme le titre de l’article publié en janvier 2016, dans la revue Human Reproduction, le dit avec humour : « il faut être deux pour danser le tango ».

L’étude: il s’agit d’une étude qualitative, réalisée sous forme d’entretiens de 40 à 120 minutes, en face à face ou par téléphone, guidés par un questionnaire. La population étudiée comprend 30 parents d’enfants de 7-8 ans ayant accepté de participer au programme d’étude prospective longitudinale du don de gamètes incluant les 7 centres impliqués en Suède de 2005 à 2008. Les couples recrutés, avaient conçu par IAD (Insémination Artificielle avec Donneur), avaient déjà été interviewés 4 fois dans le cadre de ce programme et étaient volontaires pour répondre à une nouvelle étude. Il s’agissait de 9 couples et 12 adultes, vivant séparés de leur conjoint au moment de l’entretien (10 femmes et deux hommes), représentatifs de la population générale.

 Bien sûr, ce travail s’inscrit dans le cadre de la législation suédoise qui, depuis 1985, a levé l’anonymat du don de gamètes. Les enfants du don peuvent ainsi obtenir à leur majorité des informations identifiantes sur le donneur, à condition que leurs parents les aient mis au courant de leur mode de conception. En 2012, 16% des parents d’enfants âgés de 1 à 4 ans en avait déjà parlé et 78% pensaient le faire plus tard comme l’avait révélé une précédente étude quantitative de la même équipe (2). La difficulté exprimée du « passage à l’acte » est réelle puisque depuis la loi de 1985, on observe que seulement 20 enfants issus de couples hétérosexuels (sur les 500 potentiels) ont demandé l’identité du donneur (3)

Les résultats globaux témoignent de la complexité du processus d’information, favorisé ou inhibé par les convictions personnelles des parents et les réponses des enfants, et de son caractère progressif. L’information se fait, le plus souvent, par étapes successives accompagnant le développement de l’enfant : 1) comment fait-on les bébés ; 2) les parents ont eu recours à l’hôpital pour faire un enfant ; 3) ils ont reçu l’aide d’un donneur ; 4) l’enfant pourra avoir des précisions identifiantes sur le donneur quand il sera plus grand.

Les parents sont responsables de l’initiation et de la poursuite du processus et leurs convictions personnelles servent d’incitation ou d’entrave à la levée du « secret ».

Parmi les éléments moteurs : la conviction que l’enfant du don a le droit fondamental de connaître son mode de conception, le désir d’honnêteté et de franchise dans la famille ou la peur des secrets de famille délétères dont certains parents ont fait l’expérience ; le désir d’éviter le risque de découverte accidentelle par l’enfant de son mode de conception. Le fait, pour les parents, d’avoir déjà parlé à l’entourage familial ou amical du recours à l’IAD est un puissant élément facilitateur.

Parmi les freins : la peur de perdre le contrôle par le partage de cette information que l’enfant « pourra ensuite divulguer à n’importe qui » ; le sentiment que l’enfant doit avoir une maturité suffisante pour comprendre et poser des questions qui amène à attendre le « bon moment » et limite ainsi fortement l’échange précoce.

Quand parler ?  Pour beaucoup de parents c’est une tâche difficile, malgré leur bonne volonté de départ qui les conduit à retarder le processus plus qu’ils ne le voulaient. Certains parlent à l’enfant de sa conception lorsqu’il est trop petit pour comprendre, comme lors du change sur la table à langer, et expérimentent ainsi les mots et la manière de le dire en évacuant les tensions.

Comment en parler ? Trouver le vocabulaire adapté à l’âge est vécu par les parents comme difficile et ils disent souvent avoir eu recours à l’aide d’internet, de livres spécialisés ou de l’avis de leurs proches. Certains envisagent une conversation planifiée, d’autres saisissent l’opportunité d’une question de l’enfant pour entrer dans le processus.

L’enfant est un partenaire décisif et son attitude va influer directement sur la transmission de l’information.

La curiosité de l’enfant est un puissant moteur. Ses questions permettent aux parents de progresser dans les niveaux d’information, de préciser leurs explications et de savoir ce que l’enfant a compris réellement. Plus avant dans le processus, les réactions de l’enfant peuvent amener à discuter plus en profondeur, comme par exemple de la place respective du père et du donneur. Certains parents se saisiront de toutes les opportunités pour revenir sur le sujet et progresser d’une façon naturelle jusqu’à l’explication complète.

A l’inverse, le désintérêt de l’enfant ou une attitude négative sont incontestablement un frein pour mener l’information à son terme.

En résumé

La tâche n’est pas aisée pour les parents. Démarrer le processus d’information est difficile et remet en jeu toutes les émotions négatives et positives liées à l’infertilité et au succès de l’IAD ; le poursuivre est dépendant du rôle clé de l’enfant. La plupart s’accordent pour dire leur soulagement lorsque l’enfant s’est emparé de l’information sans en sembler perturbé.

 Les cliniciens doivent développer un conseil spécifique pour augmenter la confiance des parents dans la manière de gérer les réactions de l’enfant à la révélation du « secret de ses origines ». Idéalement, les parents ne doivent pas « donner » l’information aux enfants mais la « partager » avec eux. Comme dans le tango, l’un conduit, l’autre suit, mais chacun doit être « agissant » pour que la danse se poursuive.

Et comme le rappellent Isaksson et al, l’histoire ne s’arrête pas là. Les parents de ces enfants de 7-8 ans devront accompagner l’éventuelle recherche du donneur identifié et se posent déjà des questions avec parfois la crainte de cette confrontation avec le donneur réel et la possibilité qu’il ne soit pas la personne idéale qu’ils ont décrite. Fort heureusement, ils ont encore 10 ans pour s’y préparer.

Si cette étude à la méthodologie rigoureuse n’est pas forcément transférable à la France dont la législation est différente, elle apporte de précieuses informations sur ce mécanisme complexe qu’est la levée du secret dans le cadre du don de gamètes et souligne la nécessité d’un conseil éclairé aux parents.

Jacqueline Mandelbaum

Bibliographie

1 – Isaksson S, Skoog-Svanberg A, Sydsjö G, Linell L, Lampic C. It takes two to tango: information-sharing with offspring among heterosexual parents following identity-release sperm donation. Human Reproduction, 2016, 31:125-132.

2 – Isaksson SSydsjö GSkoog Svanberg ALampic C. Disclosure behaviour and intentions among 111 couples following treatment with oocytes or sperm from identity-release donors: follow-up at offspring age 1-4 years. Human  Reproduction,  2012, 27:2998-3007

3 – Wänggren, 2015, données non publiées (voir Isaksson et al.)

4 – A lire également la récente méta-analyse de Tallandini et al incluant 19 études quantitatives sur l’information du recours à l’AMP : les parents d’enfants de 10 ans et plus ont significativement moins l’intention de les informer de leur mode de conception si l’AMP a eu lieu avec don de gamètes.

Tallandini MA et al. Parental disclosure of assisted reproductive technology (ART) conception to their children. Human Reproduction, 2016, 31(6): 1275-1285.

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